Les en-(je)ux de l’école
Article à paraître in « Revue é contextes et Didactiques » n°10, Décembre 2017
L’autisme : Les en-(je)ux[1] de l’école inclusive[2]
Christian ALIN
ESPE de l’Académie de Lyon – Université de Lyon 1 – L’Vis[3] (EA-7428)
Résumé :
L’autisme à l’école est une différence invisible et marquante à la fois. « L’Autre » avec autisme, nous envoie sa différence au visage. Enseignants, parents, il nous met en demeure de réfléchir sur nos pratiques, mais surtout, de réfléchir sur nous-même. Urgence d’une société solidaire et inclusive, l’autisme est une question d’éthique et de droit, de sciences et d’humanité. Confrontée, en ce début du 21e siècle, à un vivre ensemble multiculturel, comme peut-être le monde ne l’a jamais autant été, la promotion d’une société inclusive passe par le chemin d’une école inclusive. Un tel défi engage des « enjeux » éthiques, et scientifiques, politiques et économiques qui ouvrent, de facto, des « jeux » de territoires mais aussi et surtout des « je » d’implication, d’humanité et d’altérité. Aujourd’hui, des recherches scientifiques pluridisciplinaires alliant les neurosciences, les sciences du langage et les sciences de l’éducation doivent relever ce challenge.
Mots clés :
Altérité, autisme, école inclusive, enjeux, recherche.
Abstract :
Autism inside of the school is an invisible and significant difference. The “Other human being ” with autism does oblige us to reflect our practices and to reflect on ourselves. A solidary inclusive society is urgent. It is an ethical and law question that requires sciences and humanity. From the beginning of the 21th century we are in front of a multicultural living together. Consequently, we have to take the way of an inclusive school. Such a question requires ethical scientific economical political stakes and territorial game, but also, above all, a self-being commitment with humanity and otherness is required. Today multidisciplinary scientific researches that combine neurosciences, sciences of language and sciences of education need to win this challenge.
Keywords :
Otherness, autism, inclusive school, stakes, research.
- Introduction
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 fait obligation d’assurer à l’enfant en situation de handicap une scolarisation en milieu ordinaire au plus près du domicile, de garantir une continuité du parcours scolaire et d’assurer l’égalité des chances aux examens. L’autisme à l’école est une différence invisible et marquante à la fois. « L’Autre » avec autisme, nous envoie sa différence au visage. Enseignants, parents, il nous met en demeure de réfléchir sur nos pratiques, mais surtout, de réfléchir sur nous-mêmes. Urgence d’une société solidaire et inclusive, l’autisme est une question d’éthique et de droit, de sciences et d’humanité. Il ouvre un chemin d’altérité qui demande de la ténacité, des efforts, de l’empathie, mais plus encore de l’amour.
Au sénat
Danièle Langloys, Présidente d’Autisme France
Combien ? – Il est difficile d’établir le nombre exact d’enfants autistes car ils sont nombreux à ne pas être diagnostiqués. Les deux seuls départements français qui tiennent des statistiques révèlent que 30% seulement des enfants ont été diagnostiqués. Un sursaut national s’avère urgent, car des vies humaines sont en cause. Nous savons comment il conviendrait d’agir mais nous sommes encore loin d’être en mesure de le faire. Depuis trente ans, les familles n’ont obtenu que des actions marginales.
Une école inclusive – Il est désormais admis en France que l’école doit être inclusive, ce qui est réalisé en Belgique depuis trente ans, et aux Etats-Unis depuis quarante ans. Il existe une directive européenne de désinstitutionalisation, cependant la France en est encore éloignée malgré les ébauches qui se dessinent. L’école devient inclusive pour la plupart des enfants avec handicap, cependant la majorité des enfants autistes en est encore rejetée malgré quelques contre-exemples positifs. À de nombreux endroits, les parents sont dans l’obligation de quémander le droit à la scolarisation. Ils doivent mendier une école bienveillante, interroger de nombreuses écoles avant d’en découvrir une qui accepte leur enfant. Ensuite, ils doivent avoir la chance de rencontrer une AVS[4] susceptible d’effectuer son travail correctement et trouver une MDPH[5] bienveillante qui considère normal que l’enfant suive un parcours scolaire et ne soit pas envoyé en IME[6] dès six ans.
Des conditions – La place d’un enfant est à l’école. À ce titre, les recommandations de bonnes pratiques oublient d’affirmer que l’élève autiste est prioritairement un élève, ce que je regrette. Pour que la scolarisation soit possible, un diagnostic et une intervention précoces sont indispensables. Il est essentiel d’aider les familles et de reconnaître leur statut de co-éducateur. Nous ne sommes pas des professionnels, ce qui nous est souvent agressivement rappelé. Parfois, les relations entre l’AVS et la famille sont interdites. Dans les MDPH, les choix d’orientation des familles sont souvent ignorés.
La Formation – La formation des enseignants ne s’effectue pas partout de manière aussi efficace que dans l’académie de Lyon. Il convient d’utiliser les formateurs régionaux autisme, dont la tâche consiste à aider les enseignants si nécessaire. En outre, l’éducation nationale s’est impliquée dans la formation de ces formateurs régionaux, car des enseignants sont eux-mêmes formateurs régionaux. Si toutes les régions agissaient comme la région Rhône-Alpes, où ils interviennent gratuitement, l’avancée serait spectaculaire. Il existe également des maîtres itinérants spécialisés en autisme. Cette initiative devrait être généralisée, car elle est extraordinaire. Ces maîtres spécialisés apportent leur aide dans les situations où elle s’avère nécessaire pour remédier aux difficultés rencontrées, agissant en « pompiers volants ».
L’école en France est encore loin d’être inclusive pour les élèves avec handicap. Quel que soit le handicap. Pour l’autisme, sa possible invisibilité n’est pas facilitante. Pour autant, la forte intervention au Sénat[7] de Danièle Langloys, Présidente d’Autisme-France, en sa personne et son humanité, atteste de la ténacité et du combat des familles et de toutes les associations locales ou nationales qui luttent pour la reconnaissance et la prise en compte de la singularité des personnes avec autisme, enfants, adolescents et adultes.
« Prenons le déroulé de la vie de n’importe quelle personne avec autisme. Les étapes qu’elle parcourt, seule ou avec ses proches, représentent autant de sujets concrets à prendre en compte dans toute politique visible de l’autisme. Les discussions théoriques et les querelles de personne n’ont simplement aucun lien avec eux. Dans l’exemple de la scolarisation, l’un des sujets que l’on aborde le plus souvent, ce qui devrait importer est la scolarisation effective des enfants. Mais on a privilégié les palabres sur la nature de l’autisme, les intérêts associatifs des uns et des autres. Et ce alors même que former les enseignants au profil spécifique de l’autisme, recruter les AVS (auxiliaires de vie scolaire ou autre désignation analogue), aller à la rencontre systématique des écoles, collèges et lycées, etc., pouvaient, devraient se faire sans attendre les résultats d’amères tractations ésotériques » (Schovanec, 2012 : 236)
Rien à ajouter, non plus à cet écrit de Joseph Schovanec vers la fin de son ouvrage intitulé « Je suis à l’Est ». Il nous invite implicitement à éviter les guerres d’égo et de territoire politique, scientifique ou de méthodes d’intervention, pour adopter enfin une approche pragmatique de l’autisme et répondre à l’urgence de la formation des enseignants et des AESH[8] quant à l’avènement d’une école et d’une société inclusive effective.
- Des Enjeux…
2.1. Enjeux éthiques
Une société réellement démocratique assigne à sa résidence une société inclusive. La manière dont elle se soucie de l’accueil de la différence, de la diversité et de la vulnérabilité des individus qui la composent en est assurément un des indicateurs principaux. Concrètement, l’éthique d’une société inclusive implique des enjeux de santé, de droit et de citoyenneté. J’écris ces lignes, en cette année 2017, année de campagne présidentielle. Force est de constater que la thématique du Handicap n’a été que très peu abordée par le monde médiatique et le monde politique confondu. Le 13 mars 2017, un collectif de personnalités et d’associations (SOS Autisme, UNAPEI[9]) a lancé un appel sur tous les média pour inviter les candidats à faire part de leurs propositions concernant la prise en charge et l’accompagnement du Handicap : « Candidats que faites-vous pour le Handicap ? ». L’appel demande des réponses sur cinq points majeurs : les ressources, l’exil des personnes handicapées faute de structures adaptées en France, l’accessibilité des lieux et transports publics, l’emploi et la scolarité, avec en particulier des AESH mieux formés et plus nombreux pour faciliter la scolarité des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire.
2.2. Enjeux politiques et économiques
Confrontée, en ce début du 21e siècle, à un vivre ensemble multiculturel, comme peut-être le monde ne l’a jamais autant été, la promotion d’une société inclusive passe par le chemin d’une école inclusive. L’accompagnement du handicap et l’attention à la vulnérabilité des personnes y sont totalement parties prenantes. Entre espoir et impuissance une école inclusive convoque, de facto, le pari de l’éducabilité. En France, 8000 enfants avec autisme naissent chaque année, soit 1 personne sur 150. Cette progression s’observe dans le monde entier. Dans l’emprunt de ce chemin, la France a pris, en comparaison avec les autres pays développés, un retard considérable et socialement préoccupant. La mise en retrait des théories psychanalytiques, la charte des bonnes pratiques de la HAS[10] et le projet de « désinstitutionalisation »[11], à savoir le transfert de 100 unités d’enseignement actuellement installées dans les établissements médico-sociaux vers des écoles ordinaires, ainsi que l’intégration et l’accompagnement des enfants handicapés dans les activités périscolaires, sont des objectifs politiques qui vont dans la bonne direction. En revanche, bienveillante, l’école inclusive se doit aussi d’être performante. En conséquence, la formation initiale et continue des enseignants et de tous les intervenants d’une part, et la proposition de projets d’école collectifs et inclusifs d’autre part, apparaissent comme décisives. Pour ma part, les points d’appui sont les suivants :
- une présence plus forte des connaissances pratiques et théoriques sur l’éducation inclusive dans les unités d’enseignement et de formation des masters et qui sont actuellement très faibles en France ;
- le rétablissement d’une formation continue, non réduite à de la diffusion d’information institutionnelle ou théorique et incluant une formation professionnelle, avec des moyens financiers et du temps conséquent ;
- la création et/ou la participation à des structures qui accompagnent et aident les parents dans le suivi de l’inclusion scolaire des élèves avec handicap ;
- l’impulsion des activités de recherche scientifique en lien étroit avec le terrain pédagogique ;
- une place forte et des moyens financiers à la recherche pédagogique sur la connaissance des processus d’inclusion en situation de terrain ordinaire qui aille, tout en s’appuyant sur elles, au-delà des recherches classiques portées sur les disciplines scientifiques classiques (médico-sociales, neurosciences, psychologie, etc.) ;
- la mise en place d’un vrai partenariat qui dépasse les jeux de territoire et de concurrence entre l’administratif, le médico-social et le pédagogique ;
- l’engagement d’un partenariat entre le service public et le service privé, aujourd’hui plus que jamais nécessaire face à la diversité des acteurs concernés et à leur dispersion, face aussi, à la faiblesse des moyens publics alloués et des coûts financiers privés importants qui sont générés.
3.1. Expertise professionnelle
Au milieu des enjeux de santé, de droit et de citoyenneté, l’inclusion scolaire implique des jeux de territoire et d’expertise entre les nombreux professionnels qui interviennent en particulier dans le secteur médico-social à savoir :
- des pédiatres (des médecins spécialisés en santé des enfants) ;
- des psychiatres (des médecins spécialisés en santé mentale) ;
- des orthophonistes (des professionnels qui aident les problèmes d’élocution du langage et de la communication) ;
- des psychologues (des professionnels qui se spécialisent en problèmes mentaux, émotifs et comportementaux) ;
- des travailleurs sociaux ;
- des éducateurs spécialisés ;
- des ergothérapeutes (des professionnels qui visent à promouvoir la santé et le bien-être à travers les activités de la vie courante) ;
- des psychomotriciens (des professionnels en charge d’une éducation et/ou rééducation motrice).
À la fois pour des questions scientifiques, médicales ou éducatives, chacun met en avant son expertise et la nécessité de son intervention. Pour une inclusion scolaire harmonieuse et efficace, le nombre et la juxtaposition de leur expertise posent des problèmes sensibles de co-intervention. Face à l’important marché commercial et économique qui s’ouvre, la concurrence entre ces professions est souvent de mise. Elle peut même être très âpre et aboutir à une captation des budgets, en particulier par les grandes institutions médicales qui priment le médical sur l’éducatif. Compte tenu des grands besoins actuels d’intervenants, cette situation de concurrence voit l’émergence de formations non universitaires, courtes, privées et payantes qui proposent aux parents, associations et professionnels, des méthodes et des techniques « clés en main ». Le résultat est qu’on assiste à l’arrivée sur le marché commercial de l’intervention TSA[12] de personnes qui se déclarent « spécialistes de méthodes ». Le résultat est que la plupart de ces personnes ne disposent pas vraiment des qualifications requises et du recul philosophique, éthique et scientifique nécessaire pour exercer une intervention autonome, créatrice, adaptée et libérée des injonctions techniques et génériques des dites « méthodes » apprises en quelques heures ou quelques jours.
3.2. Expertise administrative
Il ne suffit pas de rassembler administrativement une classe ordinaire, une ULIS[13] et un SESSAD[14] pour que les co-interventions soient efficaces. Les différents responsables hiérarchiques des institutions concernées doivent commencer par être eux-mêmes convaincus pour animer et obtenir un travail d’équipe efficace. En France, les récits des parents montrent que ce n’est pas toujours le cas. Malgré des textes institutionnels porteurs, l’inclusion scolaire peut s’avérer en difficulté selon les académies et/ou les départements. Surtout, la plupart des co-interventions se réduisent à des interventions internes (intervenants dans le même temps et le même espace) ou externes (intervenants dans des temps et/ou des espaces différents) juxtaposées et rarement harmonisées par un réel travail collaboratif. Enfin, il y a un manque évident d’organisation temporelle, d’anticipation et de formation pour que tous les intervenants, directeurs, enseignants et AVS (AESH) soient formés et prêts à accueillir et travailler en milieu ordinaire avec des enfants/élèves présentant des TSA.
3.3. Expertise scientifique
Force est de constater, que pour l’autisme, en matière de financement de la recherche, les appels d’offres ne sont pas orientés vers la pédagogie et l’éducation. Qu’ils proviennent des institutions publiques ou de diverses fondations privées, ils sont orientés sur les origines génétiques ou neurologiques de l’autisme, les mécanismes du développement cérébral et émotionnel, les apprentissages de l’enfant, ainsi que sur les stratégies de dépistage précoce et de prise en charge efficaces et innovantes. Les disciplines principalement sollicitées sont celles qui développent leurs travaux et leur méthodologie en laboratoire, comme les sciences cognitives, les neurosciences, la génétique, ou bien, en France, qui sont sous l’influence de la psychanalyse, comme la pédopsychiatrie, la psychiatrie. Il est accordé aujourd’hui que, mise à part la psychanalyse, l’importance de toutes ces disciplines est incontestable pour l’autisme.
Aujourd’hui, la thématique de l’usage des nouvelles technologies, pour proposer des solutions concrètes, a le vent en poupe, portée par le souffle du fantasme classique que la machine, comme le médicament, peut tout résoudre. Il faut vraiment que les financeurs abandonnent le cliché d’une science fondamentale et d’une science technologique, seules expertes et légitimes, et dont il n’y aurait plus qu’à appliquer, sur le terrain, les préconisations et les modes d’emploi. Malgré les énormes moyens financiers qui sont attribués à la recherche, on n’a toujours pas trouvé le médicament ou la pilule magique guérisseuse de l’autisme, et la machine ne résout pas tout. Le consensus scientifique international est pourtant acté : l’autisme n’est pas une maladie, même si le biomédical a une grande importance.
Notons aussi, et la remarque est importante, que la plupart des recherches scientifiques, pour cause d’objectivité conforme au standard de la recherche classique expérimentale, ne travaillent pas, voire éliminent de leur protocole, la subjectivité des personnes impliquées dans l’autisme. C’est une méconnaissance et une ignorance, à mon sens, importantes et coupables, des possibilités que portent en eux, les acteurs de l’autisme qui sont au jour le jour en première ligne : les personnes avec autisme elles-mêmes, leurs parents, les aidants, les enseignants en milieu ordinaire et tous les professionnels ou éducateurs spécialisés. L’autisme reste en priorité une question éthique et humaine d’accompagnement et de prise en charge éducative. Les Sciences de l’éducation et/ou de l’intervention qui développent pourtant des recherches concrètes de terrain, à même d’explorer les dispositifs et les stratégies d’intervention éducative les plus efficaces, sont, la plupart du temps, absentes des appels d’offres de recherche et/ou d’innovation. Pourtant une voie heuristique ne réside-t-elle pas dans la prise en compte des dimensions cliniques et pragmatiques des interventions ? S’y ajoute celle des histoires de vie et des autobiographies des personnes avec autisme. Temple Grandin[15], Michèle Dawson[16], Joseph Schovanec[17] ou encore Babouillec[18], par leurs travaux, leurs ouvrages, leurs conférences et leurs poésies, nous font approcher et comprendre l’autisme de l’intérieur, dans sa vérité existentielle, autrement et mieux que bien des écritures scientifiques, techniques et/ou professionnelles. Il est grand temps que la recherche, dite scientifique, arrête de réduire l’Autisme à un « objet » de recherche comme un autre, et à une occasion de plus d’exploration de mécanismes neurologiques et/ou génétiques, pour se pencher aussi sur « le sujet » qui vit, au quotidien, son autisme et sur tous les acteurs, en première ligne, qui participent à son environnement et à son inclusion éducative et sociale. La dimension interdisciplinaire et transdisciplinaire de la recherche scientifique, les échanges sur les banques de données et sur les stratégies de recherche doivent se centrer beaucoup plus sur les préoccupations des familles et le suivi neuro-developpemental des sujets TSA, tout au long de la vie, de l’enfance à la vieillesse.
Enfin, pour une société inclusive, l’innovation sociale et pédagogique a besoin d’une recherche collaborative concrète, standardisée, capable de réunir l’ensemble des acteurs concernés (médecins, éducateurs, chercheurs, formateurs, parents). L’analyse des pratiques et ses méthodologies d’analyse du travail et de l’activité prend, aujourd’hui, une place de plus en plus importante dans la compréhension et l’explication des métiers et/ou des interventions sociales. L’analyse des pratiques, soutenue par les technologies audio-visuelles, est assurément une voie heuristique de recherche et de formation pour l’autisme et ses modalités de prise en charge éducative et inclusive. Pour autant, il ne s’agit pas de faire de l’innovation pour l’innovation. Le nécessaire changement de notre système éducatif et la promotion d’une école inclusive passent par la réappropriation par les acteurs de terrain de leur capacité d’action. « Rendre l’école à ceux qui la vivent », c’est parce qu’ils se sentiront responsabilisés et impliqués que les enseignants inventeront et trouveront les moyens adaptés à la diversité des situations auxquelles ils sont confrontés. L’important dans l’innovation, comme le montre la difficulté récurrente des enseignants à accueillir l’autisme dans leur pratique quotidienne, réside moins dans le repérage et la diffusion des « bonnes pratiques » que dans le développement d’une posture à la fois méthodique, clinique et évaluative chez les enseignants eux-mêmes.
- Des « Je »
En France aujourd’hui, seulement quelques personnes ont l’opportunité de pouvoir vivre un parcours scolaire où l’inclusion est effective. La réussite de ce défi résidera surtout dans leur rencontre avec des directrices d’école, des enseignants spécialisés ou en classe ordinaire, des conseillères pédagogiques et parfois des « perles » d’AVS, pourtant non formées. En revanche, pas toujours, mais souvent, leur volonté d’inclusion scolaire devra faire face à des « jeux » administratifs hiérarchiques qui ne leur faciliteront pas la tâche. En démocratie, l’incompétence et l’ignorance sont des handicaps, à ceci prés que pour l’autisme, elles ont un impact douloureux et difficile à vivre. Pour autant, c’est sur le « je » des parents que je voudrais m’attarder ici, parce qu’une école inclusive ne peut se bâtir et se réaliser sans l’aide, l’appui et l’expertise des parents, ainsi que leur espérance. Il faut comprendre la vulnérabilité de leur « je », un « je » qui se trouve engagé dans des enjeux éthiques et politiques avec des combats sans cesse à renouveler, un « je » qui est pris dans des jeux et des enjeux de territoire administratifs, scientifiques ou pédagogiques pouvant les mettre à terre et les empêcher d’espérer, malgré tout le travail qu’ils ont fait sur eux-mêmes pour accueillir et vivre l’autisme en amour et non en désespérance. En France, ces combats atteignent parfois des sommets ubuesques, que traduit le texte écrit, sans concession, par une mère de deux enfants dont l’ainée est diagnostiquée TSA et le second, un garçon, diagnostiqué TDAH[19].
Mon récit[20] :
Je suis maman d’une fille de 11 ans avec 9 ans de dossiers derrière nous pour obtenir l’aide la plus adaptée à ses Troubles du Spectre Autistique (Diagnostic TSA rendu par un cabinet privé aux 6 ans de l’enfant après 3 ans de suivi au CMPP)[21], et maman d’un petit garçon de 6 ans avec Troubles de l’Attention (Diagnostic TDAH rendu par un cabinet privé aux 6 ans de l’enfant, confirmé par l’Hôpital en consultation privée, après 3 ans de suivi au CMPP).
Complexité administrative du dossier de l’enfant 1 (9 ans de dossiers) :
Dossiers à répétition, longs et compliqués puisqu’ils sont à renouveler tous les 18 mois (tous les 2 ans avec 6 mois de préavis). Nous avons mis plus de deux ans à obtenir l’accord pour un nouveau modèle d’accompagnement scolaire qui fait entrer le secteur privé dans le secteur public (nouveau dans le département 93, mais connu dans les autres départements). Notre fille bénéficie donc d’un accompagnement dispensé par une personne qualifiée et formée aux troubles TSA. Par ailleurs, tout est à recommencer pour sa prochaine entrée au Collège. Cette personne qualifiée que nous employons nous-mêmes, fait de nous des employeurs assujettis aux taxes salariales et patronales comme n’importe quelle entreprise. Nous apprenons, par hasard, en 2016 que nous avons droit à une petite exonération de charge rétroactive sur 3 mois seulement… À signaler, également, que la fin de l’exonération est effective, alors que le renouvellement de l’indemnité MDPH n’est pas encore revalidée… Ce qui implique une interruption de l’exonération, même en cours d’année scolaire. Nous n’interrompons pas l’année scolaire et, donc, nous payons plein pot pendant 5 mois.
Suivi de la fratrie :
Découvrant les risques d’Autisme dans les fratries, nous, les parents, commençons un suivi au CMPP pour son petit frère à son entrée en Petite Section, avec un examen psychologique (dans le privé) qui ne détecte pas d’autisme mais un Âge de Développement Global (ADG) de 23 mois à ses 31 mois avec un besoin d’orthophonie. Nous donnons le compte rendu à la maîtresse à son entrée en Petite Section ainsi qu’au CMPP. La maîtresse nous parle de Maison Verte de Françoise Dolto et le CMPP nous propose de la psychanalyse, que je fais remplacer par de la psychomotricité au bout de 8 séances. Nous complétons les soins des 2 enfants par de l’orthophonie en libéral. Nous entamons donc 3 années de soins avec 4 séances hebdomadaires pour la fratrie sur les temps scolaires, ce qui réduit de manière évidente le temps dédié aux projets professionnels d’un des parents. Trois ans de suivi CMPP, 3 ans de Maternelle et 2 ans d’orthophonie n’ont pas suffit aux professionnels de la petite enfance et aux parents pour déclencher la demande d’AVS. Les délais d’obtention d’une AVS sont théoriquement connus et varient de 6 mois à 8 mois.
Comment se fait-il ?
– Comment se fait-il que les professionnels de la petite enfance n’aient pas su plus anticiper le réel besoin d’une AVS pour l’entrée en CP de notre 2ème enfant ?
– Comment se fait-il qu’une maîtresse en fin de carrière ne connaisse pas les procédures de demande d’une AVS ? « Elle m’a demandé fin avril dans le couloir de demander une AVS pour la rentrée septembre, le jour où moi j’ai mis 2 mois à reconstituer le dossier de renouvellement d’AVS pour septembre de mon aînée, en ignorant toutes les étapes nécessaires à la constitution du dossier : observation de la psy scolaire, réunion de l’équipe éducative, test GEVA-SCO[22], évaluations médicales ».
– Comment se fait-il que les parents attentent le retour d’observation de la psy-scolaire depuis juin 2014 ?
– Comment se fait-il qu’à son entrée en Moyenne Section, les parents entendent de la nouvelle maîtresse « Je vous sens inquiets ? ». Puis en Décembre à la sortie de classe : « Je n’y arrive pas (avec un sourire gêné) ». Mais toujours pas de réunion officielle avant le dernier jour de l’année scolaire. À l’issue de la réunion : il faut continuer les soins et la stimulation par le langage.
– En Grande Section, la maîtresse nous dit que cela est bien de pouvoir communiquer avec nous, mais nous n’avons pas de réunion d’équipe avant le tout dernier jour de l’année scolaire le 4 juillet 2016. « – Bon, il lui faut une AVS, il n’a pas le niveau pour le CP, mais il est obligé d’y aller. Et ça va être difficile ». « – Bon ok, il en aura pas en septembre. Qu’est-ce qu’on fait en septembre en attendant l’AVS ? ».
– Comment se fait-il que si, fin juin, l’enfant n’a pas le niveau pour entrer en CP en septembre, et qu’en septembre, il y ait la création d’un double niveau Grande Section /CP, que les parents ne soient pas consultés ?
– Comment se fait-il que la nouvelle maîtresse de CP, en septembre 2016, le matin de rentrée scolaire répond aux parents inquiets : « Vous savez l’image de l’élève calme, ça n’existe plus… » et que 2 jours après elle dise : « il n’a pas la posture d’élève. Il lui faut une AVS pour son année de CP ».
– Comment se fait-il que les parents n’aient pas reçu suffisamment de signaux d’alerte de la part des professionnels qui les entourent depuis 3 ans et qui sont au nombre de 5, pour les aider à avoir suffisamment de clairvoyance sur le réel besoin de leur enfant ?
– Les parents peuvent-ils se reposer sur l’équipe de professionnel de la petite enfance ou doivent-ils maîtriser les processus eux-mêmes ?
– Les professionnels de la petite enfance connaissent-ils les procédures pour accompagner les enfants en difficulté et leurs parents ? Reconnaissent-ils suffisamment les premiers symptômes TDAH et les DYS ? Autisme
– Comment se fait-il qu’aucun Plan Personnalisé de Réussite Éducative (PPRE) n’ait été évoqué ?
– Est-ce aux parents de le demander ?
– Comment se fait-il que le CMPP n’ait donné aucun compte rendu écrit en 9 ans pour mon aînée, ni depuis 3 ans pour mon second ?
– Comment est-ce possible que le CMPP laisse partir seule dans la rue et sans autorisation une enfant de 11 ans avec autisme, qu’ils connaissent depuis ses 3 ans et qui par ailleurs savent qu’elle s’est déjà fait renverser par une voiture à ses 8 ans ?
– Comment est-ce possible que le CMPP puisse proposer aux parents de signer une autorisation de laisser partir seule l’enfant la semaine qui a suivi la frayeur de l’avoir laisser partir et perdu dans la rue la semaine précédente ?
– Le temps étant l’élément le plus précieux pour des raisons de plasticité du cerveau de l’enfant, et de coût journalier sur les projets professionnels du parent, comment les institutions, les professionnels et les élus à la petite enfance et du handicap, peuvent-ils perdre et faire perdre autant de temps à l’enfant et à sa famille ?
Aujourd’hui, « la France porte une énorme cohorte d’enfants avec autisme pour lesquels aucune solution n’est trouvée ou au prix d’une attente de plusieurs années, voire de plus d’une décennie : le temps pour l’enfant de devenir adulte en somme ! » (Le Callennec et Chapel, 2016 : 110). De plus, le sort qui est réservé aux adultes avec autisme est catastrophique. « D’après une étude canadienne réalisée en 2006, en l’absence d’une prise en charge adaptée dans la petite enfance, la moitié des autistes deviennent des adultes dépendants, 25% sont en mesure de mener une vie semi-autonome (avec une tutelle, un hébergement en foyer ou en appartement accompagné éventuellement un emploi en milieu protégé, le soutien régulier d’un assistant à la vie sociale pour les démarches au quotidien), les 25% restant rassemblent les autistes et les « Aspis » capables de mener une existence normale » (Le Callennec et Chapel, 2016 : 54-55). Le quatrième plan autisme doit prendre en charge cette redoutable et urgente question sociale des autistes adultes, et en même temps continuer à éradiquer le retard de la France sur l’Autisme à l’école. Quant à la recherche scientifique, les scientifiques, mais aussi les familles appellent, enfin, une recherche pluridisciplinaire qui n’oublie pas les pratiques en associant en particulier les recherches en éducation[23]. Les neurosciences, les sciences du langage et les sciences de l’intervention, en s’orientant vers des protocoles et des méthodologies capables de prendre en compte la subjectivité des sujets, des personnes avec ou sans troubles du spectre autistique, ne doivent pas manquer ce formidable challenge et répondre à l’espérance des familles qui souffrent d’accompagner le développement et le bien-être de leurs enfants avec autisme.
Crédo
moi aussi j’ai mon crédo de poche
mais n’allez pas le répéter aux vents bavards
et à la foule qui passe
on vous rirait au nez
je crois
que le soleil est un œuf de lumière
pondu par la nuit
que la prière retombe en pluie de fruits
dans la corbeille des mains offertes
que les étoiles sont des âmes qui brûlent
que la terre est une orange pour la soif de Dieu
que la fleur grimpe aux fenêtres
pour consoler l’enfant qui pleure
que la pierre est un arbre
qui n’a pas voulue croître
que la bonté est ce pays où l’on accède
qu’après avoir laissé tous ses bagages
à la douane de la douleur
que une et un font un
même dans les luttes du plaisir
que le parfum du sacrifice
nourrit les fleurs de l’art
et qu’à force d’amour
demain il fera jour.
Guy Tirolien[24] (1961)
Références bibliographiques
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Schovanec, J. (2012). Je suis à l’Est. Paris : Plon.
Tirolien, G.(1961). Bulles d’Or. Paris : Présence Africaine.
[1] J’ai créé ce concept lors de ma thèse de Doctorat en Sciences de l’éducation intitulé « Je, Jeux et Enjeux d’énonciation d’enseignant-formateurs dans des situations de communication professionnelle », soutenue à l’université de Caen le 17 mai 1990. Ce concept établit trois registres de discours et signifie que la dynamique intersubjective d’une communication s’exerce et se joue dans la triade d’un tissage qui lie (Alin, 2010, 2014) :
– le « je » personnel de chacun des acteurs avec leur expérience et leur histoire de vie (écrit en italique) ;
– le « jeu » situé qui se joue dans l’ici et maintenant de la situation de communication et qui établit une variable d’ajustement plus ou moins ouverte, flexible, rigide, en particulier entre les acteurs ;
– « les enjeux » qui organisent les finalités et les grands objectifs visés dans un contexte et un environnement situé, institutionnel, professionnel, artistique, sportif, culturel, etc.
[2] Cet article est écrit à partir du dernier chapitre d’un livre « L’Autisme à l’école » en cours de publication aux éditions Mardaga, Bruxelles, pour mars 2018.
[3] L’Vis : Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation sur le Sport.
[4] AVS : Auxiliaire de Vie Scolaire.
[5] MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées.
[6] IME : Institut Médico-Éducatif.
[7] Intervention de Danièle Langloys Présidente d’Autisme France au colloque organisé par le Sénat, le 10 Février 2013 – L’autisme face aux carences de la prise en charge http://www.senat.fr/rap/r12-367/r12-3676.html (consulté le 15 Février 2017) – Table ronde n° 4 – Mieux scolariser.
[8] AESH : Accompagnant d’Elève en Situation de Handicap. Ce sigle vient de remplacer l’ancien sigle AVS : Auxiliaire de Vie Scolaire.
[9] UNAPEI : Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, anciennement : Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés.
[10] En 2010, la France, par la Haute Autorité de la Santé (HAS), a mis un Guide de bonnes pratiques à disposition des professionnels de l’autisme et des parents.
[11] Lors de la Conférence Nationale du Handicap (CNH), le 11décembre 2014, une série de mesures a été annoncée en faveur des élèves en situation de handicap et d’une école plus inclusive, dont la relocalisation de 100 unités d’enseignement (UE) en milieu ordinaire par transfert des unités actuellement localisées dans les établissements et services médico-sociaux.
[12] TSA : Troubles du Spectre de l’Autisme.
[13] ULIS : Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire.
[14] SESSAD : Service d’Éducation Spéciale et de Soins À Domicile.
[15] Temple Grandin, femme autiste, professeur de zootechnie et de sciences animales à l’université d’état du Colorado – Grandin, T. (2001). Ma vie d’autiste. Paris : Odile Jacob.
[16] Michèle Dawson, femme autiste, chercheur affiliée au laboratoire d’étude du traitement de l’information dans les Troubles Envahissants du Développement de l’hôpital Rivière-des-Prairies de Montréal dirigé par Laurent Mottron.
[17] Joseph Schovanec, écrivain français, voyageur autiste et militant pour la dignité des personnes autistes. Il a écrit un ouvrage intitulé Je suis à l’Est ! (sous-titre : Savant et autiste, un témoignage unique), cosigné avec Caroline Glorion préfacé par Jean-Claude Ameisen – Schovanec, J. (2012). Je suis à l’Est. Paris : Plon.
[18] Hélène Nicolas, qui se nomme elle-même Babouillec, est une jeune femme de trente ans, autiste diagnostiquée très déficitaire, autiste sans parole et poète – Babouillec (2016). Algorithme éponyme et autres textes. Paris : Payot et Rivages.
[19] TDAH : Trouble Déficit d’Attention et/ou Hyperactivité.
[20] J’ai reçu ce texte le 13 mars 2017, alors que je suis en train de terminer un ouvrage, au titre provisoire suivant : L’Autisme à l’école.
[21] CMPP : Centre Médico-Psycho-Pédagogique. Ces centres ont pour mission d’assurer le diagnostic et le traitement des enfants inadaptés mentaux.
[22] GEVA-SCO : Guide d’Évalutation des besoins de compensation en matière de Scolarisation.
[23] Commission scientifique internationale sur l’autisme – IGAS -http://handicap.gouv.fr/focus/l-autisme/4eme-plan-autisme/article/en-amont-du-du-4eme-plan-autisme-la-preparation- (consulté le 21/10/2017).
[24] Guy Tirolien, poète afro-antillais est né à la Guadeloupe en 1917. Il a été Haut fonctionnaire en Afrique pendant une trentaine d’année. Bulles d’Or, est publié pour la première fois en 1961, aux éditions Présence Africaine. C’est une des œuvres majeures de la génération de la Négritude, celle de Césaire, Senghor, Damas.
- Revue EPS – Dossier Tuteur & Conseiller pédagogique # 363 sept-déc. 2014
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